Source : L’IA s’apprête à révolutionner les événements d’affaires, Leïla Jolin-Dahel, Cahier spécial Tourisme d’affaires, Le Devoir, 12 octobre 2024
ChatGPT, CLAWgpt, Gemini et autres outils… L’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) générative n’en est qu’à ses balbutiements dans le tourisme d’affaires. Elle bouleversera toutefois l’industrie au cours des prochaines années, croient des experts.
Si l’intelligence artificielle existe depuis plusieurs décennies, celle qui est dite générative est relativement nouvelle, explique Jim Spellos, président de Meeting U, une entreprise américaine qui a pour mission d’aider les utilisateurs à devenir plus productifs et à l’aise avec les technologies.
L’IA générative produit des contenus personnalisés sur la base de requêtes des utilisateurs, selon une approche conversationnelle. Parce que cette technologie est émergente, les acteurs du voyage d’affaires sont encore en train « d’apprivoiser la bête » et commencent à peine à l’intégrer dans leurs activités de gestion, de sollicitation et de tenue de congrès, estime Pierre Bellerose, président du Groupe de travail IA et tourisme.
De nouveaux outils prometteurs
Des robots conversationnels font toutefois leur apparition dans l’industrie. Plusieurs voyageurs en congrès emploient notamment ce type d’outils pour se préparer avant d’arriver à destination. « Antérieurement, ils utilisaient des moteurs de recherche comme Google. Aujourd’hui, ils ont recours à des outils plus forts, plus puissants, tels que ChatGPT ou Gemini », explique M. Bellerose.
Ces nouvelles technologies servent notamment à individualiser les renseignements pour les utilisateurs en leur donnant des informations sur des événements, des dates et en répondant à des requêtes simples, comme connaître les activités d’un congrès faisant intervenir un intervenant spécifique et l’heure à laquelle elles sont tenues. « Ils peuvent être personnalisés très facilement », souligne M. Spellos.
À moyen terme, l’IA permettra la traduction complète en temps réel, avance-t-il, permettant aux participants d’une réunion de l’entendre dans leur langue maternelle. « Vous n’aurez pas besoin de faire venir quelqu’un pour passer du français vers l’anglais, l’espagnol ou une autre langue. Ce que vous allez voir, ce sont essentiellement des gens avec leur téléphone qui pourront avoir la traduction en temps réel », croit l’expert qui ajoute que des plateformes comme ChatGPT offrent déjà cette option.
Quant aux employés de l’industrie du tourisme d’affaires, ils peuvent actuellement s’en servir pour automatiser la rédaction de courriels. Mais les possibilités d’aide au brainstorming sont en cours de perfectionnement, et l’IA générative est en voie de devenir « l’outil de remue-méninges par excellence », selon M. Spellos. « Cela ne remplacera pas l’intellect humain ni l’émotion, mais stimulera notre cerveau pour nous fournir des idées et créer des liens que nous n’étions pas en mesure de faire auparavant », fait-il valoir.
La collecte de données en sera également facilitée, prévoit Jim Spellos. « Je pourrai utiliser l’un de ces outils, télécharger mes feuilles de calcul Excel et demander un tableau de bord, des graphiques, des observations sur les participants [d’un congrès] et les sources de revenus les plus importantes [générées par la tenue de l’événement]. C’est déjà ahurissant et cela ira en s’améliorant », anticipe-t-il.
La sollicitation de clients pourrait aussi être personnalisée dans la langue des voyageurs, croit de son côté M. Bellerose. « On peut maintenant créer des vidéos qui reprennent notre visage et notre voix dans plusieurs langues, souligne-t-il. Même si on sait que les gens parlent probablement français ou anglais, le faire en allemand, en espagnol ou en mandarin, c’est une petite carte de visite qui est sympathique. »
L’IA au service de l’humain, et non l’inverse
M. Spellos est formel : l’IA ne remplacera pas les humains au coeur de l’industrie du tourisme d’affaires. Le principal défi sera d’enseigner aux entreprises l’utilité et le mode d’emploi de ces technologies, croit-il. « Ensuite, vous devez comprendre que ces outils ne peuvent pas tout faire. C’est là où beaucoup d’organisations risquent d’échouer en considérant cela comme des instruments d’économie de coûts. Mais la réalité est qu’ils ne remplacent pas les personnes. Ils augmentent leur capacité à faire des choses, et cela modifie peut-être la nature de leur travail », précise-t-il.
L’IA ne marque pas non plus la fin des voyages d’affaires. « Certains disent que les gens n’auront plus la nécessité de se rencontrer. C’est tout à fait absurde, car nous sommes des humains. Mais l’IA va réinventer la façon dont les réunions se passent, avec des moyens radicalement différents », avance le président.
De son côté, Pierre Bellerose est d’avis que la formation des employés à ces nouveaux outils est essentielle. « Il faut que les organisations soient prêtes, qu’on fasse une bonne identification des besoins. Ce sont des formations qui peuvent être assez courtes, mais qui permettent d’évoluer et d’intégrer les changements qui vont survenir », croit-il. Une transition technologique efficace passe également par une coordination des efforts, en incluant les ressources humaines à ce virage, ajoute le président.
« On a devant nous plusieurs années de grands bouleversements avant que ces outils ne se démocratisent largement. Et c’est important pour les gens du tourisme d’affaires d’y faire face. »
