Source : Des clés pour une industrie hôtelière plus verte, Camille Laurin-Desjardins, Cahier spécial Tourisme d’affaires, Le Devoir, 12 octobre 2024

L’industrie du tourisme était déjà responsable de près de 8 % des émissions de gaz à effet de serre avant la pandémie, selon le Conseil mondial du voyage et du tourisme. Avec la relance du secteur, des hôteliers ont pris le taureau par les cornes en plaçant le développement durable au coeur de leur mission, décrochant du même coup une certification verte.
« Le développement durable, le tourisme durable, ce n’est pas quelque chose qu’on a ajouté, ou dont on s’est préoccupé après coup, souligne Isabelle Duchesneau, directrice fondatrice et cheffe du développement stratégique du Monastère des Augustines. Lors de la création du nouveau Monastère, c’était [déjà] au coeur de notre ADN et de notre culture d’entreprise. »
L’ancien monastère de Québec a été converti en hôtel en 2015, après deux ans et demi de réhabilitation.
« L’innovation sociale, le développement durable : tout ça faisait partie, depuis 400 ans, des valeurs des Augustines. Donc, pour nous, c’était incontournable de continuer cela dans toutes les sphères », poursuit Mme Duchesneau. Son OBNL a développé le projet de réhabilitation, qui a donné vie à un musée, un centre de ressourcement, une hôtellerie de 65 chambres et des salles à louer pour des événements d’entreprise, notamment. Géothermie, conservation de l’énergie, fournisseurs locaux… Tout a été pensé en cohérence avec cette mission pendant les travaux d’aménagement, souligne la directrice.
La volonté de réduire son empreinte écologique était également au coeur de la construction de l’hôtel Four Seasons Montréal, qui a ouvert ses portes en 2019 dans la métropole.
« Je pense qu’on a tous, en tant que corporation, une responsabilité sociale, avance la directrice marketing du Four Seasons Montréal, Geneviève Lavertu. Et quand on est un hôtel, comme plusieurs autres entreprises, c’est sûr qu’on a un impact : par rapport aux déchets, par exemple. On est donc responsable de cet impact, et si on est capable de le diminuer, on se dit : “Pourquoi pas ?” »
Ces deux établissements hôteliers font partie des quatre au Québec à avoir obtenu une certification de cinq clés vertes décernée par Green Key Global, une distinction internationale en matière d’environnement reconnue par l’Association Hôtellerie du Québec. Dans le monde, 142 autres hôtels peuvent s’en vanter.
Un moteur pour aller plus loin
« [La certification] nous a toujours aidés à garder en tête tous les processus qu’on devait mettre en place, autant pour l’entretien ménager que l’entretien technique, l’hébergement, la restauration… Ça donne des pistes de réflexion et un guide, indique Isabelle Duchesneau. Nous, on peut le faire à notre façon, à l’interne, mais quand on a une certification comme ça, ça nous amène plus loin dans nos réflexions et nos actions. »
Tous les fournisseurs du Monastère des Augustines (qui sont appelés « partenaires ») sont donc choisis en fonction d’une politique d’achat local et responsable — « à partir du choix du crayon jusqu’à ce qu’on va mettre à notre boutique, l’achat du bureau ou de la lampe ». Dans les chambres, le climatiseur ou le chauffage se met en branle seulement quand une clé déverrouille la porte. L’équipe du restaurant et le chef appliquent également une politique zéro gaspillage. Au lendemain d’un banquet dont on aurait surestimé le nombre d’invités, par exemple, l’équipe du Monastère, qui fait affaire avec plusieurs organismes communautaires, ira les approvisionner en victuailles.
Au Four Seasons Montréal, l’équipe est parvenue à diminuer de 20 % sa quantité de déchets organiques.
« Composter, c’est bien, mais si on peut composter moins, ça implique d’être plus sensible aux quantités qu’on produit, illustre Mme Lavertu. On a d’abord réussi à diminuer de 10 %. Puis de 20 %. Et on continue de diminuer, on devient vraiment efficace dans la gestion des ressources. »
L’hôtel montréalais applique aussi une politique de réduction de l’usage du papier. Dans les chambres, les lumières s’éteignent automatiquement lorsque les invités quittent la pièce. Un dispositif de réduction du débit d’eau est également en place.
Une mission sociale
En plus d’avoir posé des actions concrètes pour réduire leur empreinte écologique, le Four Seasons Montréal et le Monastère des Augustines sont bien ancrés dans leur communauté, au sein de laquelle ils poursuivent une mission sociale.
Afin de continuer de s’inscrire dans la vocation des Augustines, le Monastère a mis sur pied un programme social destiné aux proches aidants, une façon d’honorer les premières soignantes arrivées en Nouvelle-France. Les proches aidants peuvent ainsi profiter d’un moment de répit en séjournant à l’hôtel pour un tarif de seulement 30 $, repas compris. Le Monastère collabore également avec Stratégies Saint-Laurent, un organisme qui veille à la conservation du fleuve, en l’aidant à ramasser les déchets.
Le Four Seasons organise quant à lui des visites guidées de plusieurs sites culturels et historiques de Montréal, notamment les marchés Jean-Talon et Atwater, afin que les clients rencontrent les producteurs de fruits et légumes locaux qui fournissent à l’équipe du restaurant Marcus de la matière première de qualité.
Si Isabelle Duchesneau et Geneviève Lavertu voient en leur hôtel un modèle d’innovation en matière de tourisme durable, elles ne souhaitent pas paraître moralisatrices. Elles espèrent cependant que leurs initiatives, et celles de tous les hôteliers qui font des efforts pour réduire leur empreinte environnementale, en inspireront d’autres.