Source : Face à l’hybridation de sa clientèle, l’industrie hôtelière se modernise, Marie-Ève Martel, Cahier spécial Tourisme d’affaires, Le Devoir, 12 octobre 2024

Après quelques années de disette, l’industrie hôtelière se relève et regarde vers l’avenir. Si ses taux d’occupation remontent graduellement vers les niveaux prépandémiques, les besoins changent et les établissements s’adaptent.
« La pandémie a fait en sorte que beaucoup de gens ont adopté le télétravail, relève Véronyque Tremblay, présidente-directrice générale de l’Association Hôtellerie du Québec (AHQ). Ça change la manière dont les gens voyagent pour affaires et ce qu’ils recherchent dans un établissement. »
Cela se traduit notamment par l’hybridation des activités au sein d’un même séjour, un phénomène appelé en anglais « bleisure », mot-valise pour business et leisure, ou « workation », mot-valise pour work et vacation.
« Les gens qui vont venir dans un hôtel dans un contexte professionnel ne voudraient pas être toujours dans leur chambre entre quatre murs, souligne Mme Tremblay. Ils recherchent des endroits communs pour prendre un café ou côtoyer d’autres personnes, de même que des établissements qui vont offrir différentes activités de loisir. »
Est ainsi révolue l’ère du « centre d’affaires » proposé par certains hôtels, qui consistait en un bureau équipé d’un seul ordinateur branché à Internet et d’une imprimante.
Les congrès ont aussi évolué. « L’attention des gens est de plus courte durée qu’auparavant, relève Véronyque Tremblay. Les organisateurs vont incorporer des activités de loisirs et des expériences à travers les séances de travail. On va profiter du fait qu’on sort du virtuel pour vivre autre chose. »
Ce phénomène n’a cependant rien de nouveau, nuance la présidente-directrice générale de l’Association hôtelière du Grand Montréal, Dominique Villeneuve. « Ce ne sont pas des changements drastiques, les hôtels s’adaptent constamment aux besoins de leur clientèle. Tout est constamment repensé », dit-elle.
Maximiser les espaces
Les constats de Mme Tremblay rejoignent ceux de la chercheuse du réseau de veille en tourisme de la Chaire de tourisme Transat de l’ESG-UQAM, Élisabeth Sirois, qui, dans une recension publiée le mois dernier, observait « une transformation du parc hôtelier qui mise sur des propositions plus variées, mais surtout concurrentielles ».
Qualifiant ce nouveau modèle « d’hôtel hybride », Mme Sirois y énumère les commodités désormais incontournables : espaces de travail partagés, zones de détente, services de restauration, aires de réception et espaces événementiels susceptibles d’accueillir des rassemblements.
« L’objectif premier [des hôteliers] est de maximiser l’utilisation des différents espaces. Cette démarche est pensée pour diversifier les sources de revenus et réduire la dépendance à la vente de nuitées », écrit la professionnelle de recherche.
Si elle énumère quelques cas recensés dans le monde, principalement en Europe où la tendance est implantée depuis plus longtemps, Mme Sirois donne en exemple la chaîne québécoise d’hôtels Hyvi, qui compte pour l’instant l’Hôtel Chicoutimi et l’Auberge des îles, tous deux dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Là-bas, les chambres peuvent servir à l’hébergement ou à la tenue de rencontres d’affaires. Les pièces sont en effet modulables et aménageables selon les besoins de la clientèle, optimisant leur location de courte durée ou pour des séjours plus longs.
Ailleurs dans la province, plusieurs établissements ont investi au cours des derniers mois afin de suivre le mouvement.
Une occasion à saisir
Ces transformations de l’industrie reflètent les tendances observées par le ministère du Tourisme du Québec dans le Plan d’action en tourisme d’affaires 2023-2026. Parmi ces tendances, on relève le souci de limiter l’empreinte écologique des déplacements, le jumelage des voyages d’affaires et d’agrément, de même que la recherche d’expériences personnalisées et la prise en compte du bien-être et des préférences des participants dans l’organisation de ces expériences.
De sorte que le tourisme d’affaires est désormais plus payant que le tourisme d’agrément, indique Véronyque Tremblay.
« Les [touristes d’affaires] réalisent des dépenses deux fois plus importantes que celles des touristes d’agrément. Ils dépensent plus pour la restauration, l’hébergement, la visite d’attraits et dans les commerces », indique-t-elle.
Pour les hôteliers, l’hybridation des clientèles constitue une occasion à saisir. « Ça peut être très intéressant d’attirer la clientèle d’affaires et de lui offrir de prolonger son séjour en lui proposant différentes activités et de l’inciter à revenir », poursuit Mme Tremblay.
Une telle approche peut faire la différence pour de nombreux établissements, dont la saison se retrouve prolongée ou qui compteront désormais sur un achalandage sur quatre saisons.
« C’est ce qu’on souhaite : que les gens qui viennent par affaires profitent de leur séjour pour visiter les musées, aller manger dans les restaurants, et qu’ils restent un peu plus longtemps », mentionne Mme Villeneuve.