Source: La classe affaires soigne son image, Marie Frumholtz, Le nouvel Economiste, 17 août 2023
Les compagnies aériennes tentent de reconquérir la clientèle d’affaires grâce à des services améliorés et un impact environnemental limité.
Le secteur des voyages d’affaires se remet doucement mais sûrement des conséquences de la pandémie de Covid-19. Pour faire revenir leurs clients, les compagnies aériennes améliorent et développent de nouveaux services et orientent leur communication vers le respect de l’environnement. Toutefois, la hausse des prix et le retour en force des déplacements touristiques plutôt que des voyages pour raisons professionnelles tendent à modifier certaines attentes en classe business.
Le voyage d’affaires, notamment dans l’aérien, fait partie des domaines économiques qui mettent le plus de temps à se rétablir des conséquences de la pandémie. Les vagues successives de covid ont compliqué le rétablissement de liaisons aériennes durables et le retour de la confiance des voyageurs. Selon les dernières prévisions de la GBTA (Global Business Travel Association), organisme professionnel de l’industrie du voyage d’affaires, le secteur n’approcherait son niveau d’activité prépandémique qu’en 2025. En cause, le contexte international rendu incertain du fait de la guerre en Ukraine et la crise économique. Or le contrecoup de la crise s’est également fait sentir sur la qualité de service. “Nous avons tous constaté de nombreux problèmes dans les aéroports : un manque de personnel, des bagages perdus, des files d’attente qui s’allongent… C’est tout l’écosystème qui [a été] perturbé par les conséquences de la crise sanitaire. S’il est facile de tout arrêter d’un coup, faire redémarrer la machine prend du temps, d’autant que cette situation est sans précédent”, rapporte Katharina Navarro, présidente de GBTA France et salariée dans une grande entreprise française de conseils.
Le « revenge travel » modifie la répartition de la clientèle
Autant de points de friction qui expliquent que les compagnies aient vu une partie de leurs réservations dégringoler depuis 2020. “En 2022, nous avions perdu la moitié de la volumétrie de notre clientèle business par rapport à 2019”, note ainsi Christian Vernet, PDG de La Compagnie, spécialisée dans les vols en classe affaires au départ de Paris, de Milan et de Nice et à destination de New York exclusivement. Cependant, “notre baisse de trafic est très légère, puisque le taux de remplissage de nos avions était de 80 % en 2019 contre 75-76 % en 2022.” Depuis l’été 2022, la clientèle loisirs est, en effet, revenue massivement sur les lignes. “Les voyages touristiques ont repris plus rapidement que les déplacements professionnels, mais ce ne sont pas les mêmes destinations. Ces voyageurs sont vraiment animés par un ‘revenge travel’ [voyage de revanche, ndlr]. Enfermés durant de longs mois, ils ont dû repousser leurs voyages à plusieurs reprises. Aujourd’hui, ils reprennent plaisir à partir”, souligne Katharina Navarro. Depuis la réouverture des frontières des États-Unis en 2021, La Compagnie a elle aussi constaté un fort retour des touristes américains, adeptes de la Côte d’Azur, de l’Italie et de la capitale française. “Pouvoir travailler de n’importe où et vouloir rationaliser ses déplacements, en fonction des prix et de considérations environnementales, pousse aussi certains voyageurs à prolonger un déplacement professionnel par un petit séjour sur place”, note par ailleurs la présidente de GBTA France. Cette tendance va de pair avec de nouvelles attentes des clients, notamment en matière de flexibilité dans la programmation de leurs déplacements.
Toutefois, l’équilibre devrait se rétablir dans les années à venir, même si l’association professionnelle n’a pas établi de prévisions chiffrées pour le moment. La Compagnie comptait atteindre en 2022 90 % de son chiffre d’affaires de 2019. “Nous constatons un vrai engouement pour nos destinations. Mais il faudra encore quelques années avant de revenir à une répartition équilibrée entre voyages d’affaires et voyages touristiques sur nos lignes. Aujourd’hui, nous sommes encore à 85 % pour l’un et 15 % pour l’autre”, explique Christian Vernet.
Des engagements pour l’environnement
Le constat est le même du côté d’Air France, mais ce bémol ne l’empêche pas d’investir dans la rénovation de ses cabines de vol et de ses salons au sol ou de développer ses services, comme la généralisation du Wi-Fi à bord. La classe affaires profitera également du plan d’Air France visant à acquérir des appareils nouvelle génération, plus économes et plus respectueux de l’environnement. D’ici à 2030, ces appareils représenteront 70 % de sa flotte, contre 7 % actuellement. La Compagnie, qui possède pour l’heure deux avions A321neo long-range livrés en 2019, envisage quant à elle d’en acquérir de nouveaux à partir de 2024 pour effectuer plus de vols entre Paris et New York, mais aussi pour s’ouvrir à d’autres destinations. “L’A321 est un avion performant et fiable, qui offre des coûts d’exploitation très maîtrisés et une empreinte carbone raisonnable. Par rapport au Boeing 757 que nous exploitions avant, la consommation est inférieure de 30 %”, précise Christian Vernet.
Dans un contexte où la honte de prendre l’avion (le ‘flygskam’ en suédois) est toujours plus prégnante dans l’opinion publique et où l’usage des jets privés est pointé du doigt, l’argument environnemental prend de plus en plus d’importance. “Alors qu’un jet de taille équivalente brûle entre 400 et 700 litres à l’heure, notre avion Diamond Aircraft 62 (DA62), un bimoteur cinq places, consomme 50 litres de l’heure”, assure ainsi Jean-François Ballin, président de Revolution’Air. Se définissant comme “low impact” (à faible impact environnemental), cette compagnie d’aviation taxi à destination des dirigeants de PMI-PME basée à Marseille a déjà signé “des accords de confidentialité avec un industriel qui développe un avion hybride et vise à terme le 100 % électrique”. De fait, les avions de Revolution’Air “n’ont pas de durée de vie limitée” – autrement dit, ils sont conçus pour pouvoir accueillir un moteur électrique lorsque la technologie sera opérationnelle. Pour Jean-François Ballin, il est donc important que le débat actuel ne tourne pas autour de l’interdiction de l’aviation, mais s’intéresse plutôt à la façon d’encourager “l’industrie européenne à se positionner en tant que leader de solutions écologiques”. Sinon, “d’autres le feront à notre place”, avertit-il. Une réaction d’autant plus urgente que, selon Katharina Navarro “prochainement, le coût carbone sera pris en compte dans le prix du billet d’avion”. “J’en suis convaincue, insiste-t-elle. Cet élément va devenir un enjeu concurrentiel entre les compagnies. Ce n’est pas encore le cas, car la méthodologie pour mesurer l’impact environnemental n’est pas unifiée, mais ce changement ne saurait tarder.”
De grandes attentes sur les prix
Pour l’heure, en pleine inflation, l’argument du prix est encore celui qui a le plus de poids. Selon les prévisions du ‘Business Travel Index 2022’ réalisé par la GBTA, en 2023, les voyageurs d’affaires devaient voir les tarifs aériens augmenter de 8,4 %, les tarifs hôteliers de 8,2 % et les frais de location de voiture de 6,8 %. Ces chiffres s’ajoutent à l’augmentation de 21,7 % pour l’ensemble de l’année 2022 pour les tarifs aériens, de 5,6 % pour les tarifs hôteliers et de 38 % des frais de location de voiture. “[En 2022], nos prix ont augmenté de 25 % environ, notamment parce que celui du carburant a plus que doublé”, reconnaît Christian Vernet. La Compagnie affirme toutefois maintenir ses tarifs promotionnels au même niveau que ceux de 2019 pour ses clients effectuant une réservation bien en amont. “Nous travaillons aussi à améliorer la qualité de nos services, notamment en matière de flexibilité dans nos offres, avec une possibilité de reprogrammer son voyage en cas d’annulation”, affirme le PDG de La Compagnie. Révolution’Air, qui a fait voler son premier avion au printemps 2022, avance de son côté un prix “trois fois moins cher” que la concurrence, mais à des conditions de vol “réalistes”, sans “bling-bling, champagne ou caviar”. “Nous défendons une aviation efficace. Notre clientèle utilise un moyen de transport pour être transportée, pas pour faire du show”, prévient Jean-François Ballin. Une stratégie gagnante, puisque Révolution’Air a réceptionné un deuxième appareil fin septembre et espère acquérir deux autres avions d’ici à fin 2022, soit un développement “plus rapide que dans le business plan initial”..
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