Source : Les emplois en tourisme : danger de remplacement par l’IA?, Frédéric Gonzalo et Mélody Lardin, TourismExpress, 12 août 2024
Premier article d’une série de deux sur la thématique de l’IA dans les ressources humaines en tourisme. Rédigé par Frédéric Gonzalo & Mélody Lardin, collaboration spéciale.
Depuis que l’intelligence artificielle (IA) est dans l’actualité, surtout par l’entremise de ChatGPT et des outils d’IA générative, on entend et on voit passer plusieurs articles appuyant parfois un peu fort sur le crayon de l’alarmisme.
Ainsi, la firme McKinsey prédit que pas moins de 4,7 millions d’emplois seront perdus au profit de l’IA d’ici 2030, au Canada seulement, soit près d’un emploi sur quatre! Cela représente une perte de 400 millions d’emplois, faisant écho à une autre étude, de Goldman Sachs celle-là, prédisant 300 millions d’emplois perdus à travers le globe sur cette même période.
Quel portrait dans le milieu touristique, où la touche humaine est habituellement au cœur de l’expérience?
Certains postes plus à risque que d’autres
D’entrée de jeu, on sait que certaines spécialités sont plus à risque que d’autres face à l’arrivée de l’IA dans notre quotidien. Par exemple, plusieurs emplois de type « cols blancs » ont plus de chance d’être remplacés que les emplois de type « cols bleus ». On le voit d’ailleurs assez éloquemment dans ce tableau issu du rapport de Goldman Sachs :
Est-ce à dire qu’on risque de ne plus avoir éventuellement de concierge ou réceptionniste lors de notre arrivée à l’hôtel? Pas vraiment, si l’on se fie aux différents interlocuteurs interrogés dans le cadre de ce dossier spécial.
« Même si on a des bornes d’enregistrement à l’Hôtel Monville, même si on a du web check-in, on a une réception qui est là à côté. Ça n’enlève pas le fait qu’on a deux valets, un réceptionniste et un superviseur sur place. Toutes ces personnes-là, elles doivent être encore meilleures qu’elles étaient avant et amener de la valeur », explique Jean-Cédric Callies, directeur des opérations des hôtels Gault et Monville.
« Elles doivent être capables d’utiliser le temps qui a été économisé par la borne pour mieux prendre soin du client. Parce que le passage à la borne dure à peu près 30 secondes alors qu’à la réception, c’est 5 minutes. Donc, le 4 minutes 30 qui a été sauvé, il faut que tu sois assez bon pour demander d’où le client vient, prendre une réservation de restaurants, de bars, d’attrait touristique… toutes ces choses qui font qu’on remet le service au centre de l’expérience du client dès l’arrivée. Donc il y a un déplacement de compétences » poursuit-il.
Sauver du temps… sur les tâches ennuyeuses, notamment!
Pour Madeleine Carrier Laperrière, gérante expérience collègue au Fairmont Le Reine-Elizabeth, « l’intelligence artificielle va enlever le côté ennuyeux de certaines tâches administratives et cléricales, permettant ainsi de pouvoir se concentrer sur l’humain, c’est fabuleux! »
« De ce que je vois autour de moi, on a des jeunes – mais pas que! – qui sont très enthousiastes à l’idée de se débarrasser de tâches plus ennuyeuses qui prennent du temps pour rien », poursuit-elle. « Combien de temps on perd normalement à se dire Comment on devrait faire ça, encore? ou Est-ce qu’elle est belle mon affiche? et y passer un temps fou. Maintenant, grâce à des petits outils, on peut faire ça en quelques secondes, et c’est plus beau et plus professionnel que ce qu’on n’a jamais fait par le passé. Ça, c’est vraiment trippant! »
Des outils facilitants, surtout
Un son de cloche similaire du côté d’Annie Lévesque, responsable de la commercialisation chez Aventures Écotourisme Québec. « Pour les entreprises touristiques en plein air, comme leur travail principal est sur le terrain à guider les touristes, ils ne craignent pas que l’IA leur vole leur travail », nous dit-elle.
« Au contraire, ils voient l’IA comme un outil de travail facilitant. C’est-à-dire que ça leur permet d’alléger leur travail au quotidien. Ça leur prend moins de temps pour faire la préparation des petites choses plus cléricales, donc ils peuvent concentrer leur temps sur ce qui est plus important pour l’expérience client et employé. »
Le risque de ne pas suivre la parade
Vous avez peut-être entendu cette expression qui dit que « ce n’est pas l’IA qui va vous remplacer ou voler votre job, mais peut-être bien une personne qui sait maitriser ces outils ». Le fait est que les rôles vont évoluer, qu’on le veuille ou pas.
« Quelques-uns vont se fermer à l’avènement de l’IA, puis ne pas être capable de suivre la parade », selon Florence Barbeau, directrice des partenariats au MT Lab. « Par contre, la majorité des gens vont essayer sans être adéquatement outillés ; c’est là que certaines personnes dans l’équipe émergeront comme des experts. On verra alors de plus en plus d’expertises comme analystes d’affaires en tourisme. Il est donc important pour chaque entreprise d’évaluer le potentiel de prévoir l’embauche de tels nouveaux talents. »
Comme on peut le voir, une partie de la solution réside dans la formation des employés face à cette nouvelle réalité. Et comme on le verra dans la suite de ce dossier, on devra également se poser la question du rôle de l’IA dans nos processus d’affaires, en ressources humaines tout comme en marketing et en service client.