Source: Les grandes tendances du tourisme à surveiller, Jean-Benoît Nadeau, Le Devoir, 24 février 2024
Ce texte fait partie du cahier spécial Tourisme d’affaires
Fin janvier dernier, la Chaire de tourisme Transat a réuni plusieurs centaines de personnes de l’industrie à la salle Pierre-Mercure de l’UQAM pour le dévoilement du Cahier Tendances 2024. Cette nouvelle édition, basée sur un sondage mené auprès de 1000 répondants et augmentée des observations de l’équipe, qui suit plus de 750 publications sur une cinquantaine de secteurs et thèmes, en dit long sur ce qui s’annonce cette année pour le tourisme d’affaires.
« Des prédictions sur trois, quatre, cinq ans, on n’en fait plus. On juge qu’il est plus utile de dire aux PME ce qui se passe maintenant », explique Marc-Antoine Vachon, professeur de marketing à l’ESG UQAM et titulaire de la chaire. Il raconte avoir eu sa leçon sur les prédictions avec son Cahier Tendances 2016. « Nous avions “prédit” où serait le tourisme en 2020. » Et la COVID vint…
Les six tendances relevées se déclinent en diverses thématiques : la quête du bonheur ; le voyage comme un luxe devenu indispensable ; le plafonnement du voyage responsable ; les occasions d’affaires et les modes de vie polyvalents ; l’impact de l’inflation et du climat ; ainsi que la technologie (plus précisément l’intelligence artificielle) dans le parcours du client.
« Une de mes surprises a été de constater la stabilisation du marché du voyage hybride, qui avait diminué l’an dernier. » Le voyage hybride concerne les déplacements qui fusionnent travail et agrément, qu’il s’agisse de personnes qui prolongent leur séjour d’agrément pour télétravailler ou de personnes qui voyagent pour affaires et qui décident de prolonger leur séjour pour visiter. « Maintenant, on sait que c’est un marché qui s’est créé et qui est là pour de bon. »
M. Vachon note une véritable augmentation des lac-à-l’épaule et d’autres activités de consolidation d’équipe. Avec la généralisation du télétravail, il est devenu plus difficile de créer un esprit d’équipe ou de dégager une vision commune. « Les employeurs ont beaucoup plus de mal à envoyer leurs gens sur la route. Donc, les activités d’affaires doivent désormais détenir une forte dimension de plaisir et de réalisation personnelle. »
Le plaisir, de plus en plus
Thomas Giraudo, président d’Altitude C, une agence spécialisée en événementiel pour les entreprises, fait partie de la dizaine de spécialistes interviewés pour ce cahier. Il observe que cette quête du plaisir, très forte, se décline de plusieurs manières. « Les employeurs doivent désormais créer des événements, des moments mémorables. Ce type d’activité a triplé chez nous par rapport à 2019. »
Parmi les manifestations concrètes de cette tendance, il souligne le « legs événementiel ». Dans le cadre du rassemblement d’affaires ou du congrès, les participants vont participer à une activité caritative, comme faire des boîtes à lunch pour le Club des petits déjeuners. « Les organisateurs de congrès vont s’assurer que l’organisme récupère la nourriture pour des organisations caritatives ou bien vont commander une oeuvre d’art qui sera léguée à la communauté. »
Cette tendance vers le plaisir transpire partout, et elle n’a pas que des côtés positifs. Un des revers de la médaille en est que les congressistes s’ennuient plus facilement par manque d’attention. « Nous avons pour client un congrès sur la transition énergétique qui interdit carrément les présentations PowerPoint », dit le consultant, dont 4 des 21 employés se consacrent à aider les organisateurs de l’événement à formater des présentations multimédias.
L’intégration grandissante de la culture s’inscrit dans cette logique. M. Giraudo raconte le cas de ce congrès sur la santé qui a embauché la Ligue nationale d’improvisation. « Quelques acteurs sont venus improviser sur le thème. Les participants se sont bien amusés et ça mettait la table pour certaines réflexions. Nous organisons aussi un congrès sur le climat et embauchons des commissaires professionnels pour organiser plusieurs expositions artistiques sur le thème. »
L’IA, oui, mais intelligemment
L’intelligence artificielle apporte beaucoup de neuf. Si elle est présente depuis longtemps dans le tourisme d’affaires, notamment pour les billets d’avion et la réservation de chambres, M. Vachon remarque une réelle recrudescence des systèmes de clavardage basés sur des agents conversationnels. Cet outil permet aux organisateurs et aux participants de se faire une idée de ce que la destination peut offrir afin de planifier leurs activités externes au congrès — le plaisir, toujours.
M. Giraudo note des utilisations plus pointues, par exemple l’utilisation de l’IA en traduction simultanée, très populaire dans les congrès internationaux. « Certains systèmes traduisent en 60 langues pour une fraction du prix, dit-il. Et les participants voient apparaître le sous-titrage à même leur téléphone. »
Une autre technologie qui se répand est l’IA de conciergerie. Plus besoin de monter un kiosque avec du personnel capable de recommander des activités ou un agenda aux congressistes ou à leurs conjoints. « Là, plus besoin de programmer les réponses d’avance. Le robot développe en direct. »
Le titulaire de la Chaire de tourisme Transat invite tout de même les organisateurs à être prudents avec cette technologie, notamment en s’assurant que leur destination est correctement référencée et documentée avec un bon niveau d’exactitude. « L’autre jour, je faisais une recherche sur le Saguenay, et le robot m’envoyait voir la chute Montmorency ! »