Source : L’industrie du tourisme s’adapte aux changements climatiques, Pascaline David, Cahier spécial Tourisme d’affaires, Le Devoir, 11 octobre 2024

Face aux défis croissants qu’apportent les bouleversements climatiques, l’adaptation est incontournable. Dans le secteur du tourisme québécois, les hivers raccourcis et les événements climatiques extrêmes, comme les inondations et les tempêtes, forcent les acteurs à se mobiliser pour repenser leurs pratiques et adapter leur offre.
L’adaptation aux changements climatiques consiste à adapter nos modes de vie, nos infrastructures et nos politiques pour mieux affronter les bouleversements environnementaux. Cela concerne tous les secteurs, dont le tourisme, ce qui comprend les voyages d’affaires et les événements professionnels. Le consortium Ouranos a ainsi mis sur pied la cohorte Adaptation aux changements climatiques, consacrée au tourisme, en partenariat avec la Maison de l’innovation sociale et l’incubateur d’innovation montréalais MT Lab.
L’initiative appuie et rassemble 23 associations touristiques et partenaires du ministère du Tourisme du Québec afin qu’elles déterminent collectivement des actions concrètes. « Le secteur est vulnérable par son lien étroit avec le territoire et les saisons, donc les entreprises font face à de multiples impacts et questionnements, souligne Laurence Coulombe, responsable de la cohorte Tourisme chez Ouranos. Lors des rencontres et de conférences, elles réfléchissent à la manière d’adapter ou de repenser leur offre en fonction des réalités climatiques actuelles et à venir. »
Ce changement peut passer par la diversification des activités proposées, pour éviter la dépendance à une seule saison, ou par la prévision des coûts liés aux bouleversements du climat. Tourisme Montréal a ainsi lancé le Fonds d’urgence et d’adaptation aux changements climatiques, destiné aux festivals et aux événements extérieurs qui font face à des défis climatiques majeurs, imprévus et entraînant des pertes financières non anticipées. La réflexion porte aussi sur les manières de réduire l’empreinte écologique des infrastructures touristiques. On peut penser à l’investissement dans des pratiques durables, comme le transport collectif ou les énergies renouvelables. Une attention particulière est aussi portée à la « maladaptation », selon Laurence Coulombe, c’est-à-dire aux fausses solutions qui pourraient aggraver les problèmes ou générer des effets négatifs à plus long terme.
Responsabiliser les entreprises
L’adaptation aux changements climatiques ne peut ainsi pas se limiter à la seule survie économique, mais doit être vue comme une occasion de repenser les pratiques et de protéger les écosystèmes tout en réduisant les vulnérabilités liées au climat. En effet, le Programme des Nations unies pour l’environnement souligne que les solutions bien conçues réduisent les contrecoups, mais aussi renforcent la biodiversité et protègent les communautés locales.
Danielle Landry a fondé la microentreprise De ville en forêt pour cette raison. « Je crois beaucoup au tourisme comme levier de sensibilisation et d’éducation à la protection des milieux naturels. Les gens visitent des endroits qu’ils aiment, ce qui est un bon point de départ pour leur expliquer comment limiter leur impact. » Le programme Sans trace, qu’elle promeut, enseigne les principes de base à appliquer pour préserver la nature, notamment pour réduire les répercussions des activités humaines sur les sols, les eaux et la faune.
En tourisme d’affaires, plus particulièrement, la clé réside dans la responsabilisation des entreprises. Les plus grandes devraient ainsi se doter d’une politique de développement durable solide. « Les plus petites peuvent commencer par appliquer les sept principes Sans trace », suggère Mme Landry. Planifier ses activités pour éviter les imprévus, comme le fait de se retrouver à camper dans une zone fragile, et rester sur les sentiers pour prévenir l’érosion et la dégradation des habitats en font partie. D’autres, plus évidents, mais pas toujours respectés, sont la gestion responsable des déchets et l’usage minimal du feu pour protéger les écosystèmes sensibles. Parmi les autres bonnes pratiques recommandées aux organisations, elle mentionne la formation de groupes plus petits et l’utilisation de navettes pour les déplacements.
Un effort d’éducation
Danielle Landry constate un intérêt croissant pour ces pratiques, bien que le chemin soit encore long. « Les gens ne sont pas assez éduqués sur les impacts de leurs activités. Il y a une volonté de protéger, mais on ne sait pas vraiment comment », observe-t-elle. Chaque pas dans une forêt, chaque voiture stationnée près d’un lac peut contribuer à dégrader les sols et perturber la faune. Elle plaide pour une signalisation accrue et des efforts de préservation des zones sensibles, comme les rives des plans d’eau, où vivent de nombreuses espèces d’oiseaux et de batraciens.
Les gouvernances locales et régionales ont aussi un rôle central à jouer pour encadrer et appuyer un tourisme plus sobre, responsable et de proximité. La région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, par exemple, mise de plus en plus sur le tourisme régénératif, qui a le vent en poupe. Cette approche va au-delà du tourisme durable, en impliquant que « la personne qui voyage est engagée et participe à la restauration d’une communauté, d’un territoire ou d’écosystèmes, sans pour autant compromettre son bien-être », selon Tourisme durable Québec.