Un article signé Pierre-Alain Belpaire, publié le 12 février 2021 dans HRIMag.
Comme tous les acteurs de l’industrie des HRI, Marjolaine de Sa se souviendra longtemps du périlleux exercice 2020. Et lorsqu’on lui demande de résumer en un seul mot la défunte année, la directrice générale de l’Association hôtelière de la région de Québec (AHRQ) s’emballe, prise au jeu. « « Différente » ? Non, pas assez fort. Alors, « exceptionnelle ». Ou « demandante », très demandante. Mais aussi « innovante ». Ouf, c’est complexe. J’abandonne ! »
Au cours des derniers mois, la dynamique dirigeante aura pourtant su trouver les mots justes pour rassurer et expliquer, pour dénoncer et interpeller. Le point commun de ses diverses interventions sur de multiples tribunes ? Son large sourire. « Je suis naturellement positive, que voulez-vous ? glisse la responsable. N’ayant pas d’hôtel qui m’appartient, c’était sans doute plus facile pour moi : le stress financier, je ne l’ai pas vraiment vécu. J’ai bien sûr eu mes moments de découragement, mais je me disais toujours qu’il fallait me battre, qu’il y avait pire ailleurs. »
Plutôt que d’adopter un ton alarmiste, Marjolaine de Sa a donc préféré livrer des discours constructifs. Surtout, elle a souhaité tendre la main aux autres responsables du paysage hôtelier. À maintes reprises, elle a ainsi cosigné lettres ouvertes et communiqués avec Xavier Gret et Eve Paré, respectivement à la tête de l’Association Hôtellerie Québec et de l’Association des hôtels du Grand Montréal. « Un réflexe normal », estime-t-elle, convaincue que la région de Québec ne pourrait se relever si la métropole et le reste de la province peinaient à se remettre de la pandémie.
« Durant la première vague, les acteurs de l’hôtellerie ont peut-être été trop conciliants, trop discrets, poursuit-elle. Le 11 juin, lors de la présentation du programme de relance touristique, ça a été une vraie gifle : notre milieu n’était visiblement pas une priorité du gouvernement ! On a compris qu’on n’avait pas été assez agressifs, pas assez lobbyistes. On a donc durci le ton. »
PASSION INTACTE
Bien qu’elle répète à l’envi que 2021 ne sera « pas facile », Marjolaine de Sa envisage l’avenir avec une certaine sérénité et un optimisme contagieux. « On va y arriver, assure-t-elle. Il va falloir travailler dur, ne nous le cachons pas, mais j’y crois ! Pour y parvenir, il faudra notamment insister sur nos atouts : le caractère sécuritaire de Québec, la proximité de la nature et, surtout, la joie de vivre des Québécois. » Mais cette relance devra se faire prudemment, s’empresse de préciser la dirigeante de l’AHRQ.
Les résultats exceptionnels enregistrés par les hôteliers de la Capitale-Nationale au cours des dernières saisons touristiques ne pourront pas être atteints dans les prochains mois. « Pas avant 2025-2026 selon moi, estime-t-elle. La reprise sera progressive et va dépendre des vaccins, de la réouverture des frontières, du taux d’emploi, de la relance dans le milieu de la restauration, etc. Québec est un produit touristique phénoménal, avec un incroyable potentiel, mais on va prendre un mois à la fois, voire une semaine à la fois. »
Les hôteliers installés dans la Cité de Champlain et ses environs ne pourront effectivement pas compter sur leurs seuls attraits pour redresser la barre. Il leur faudra ainsi de toute urgence trouver une solution au problème de la main-d’oeuvre : au cours des derniers mois, nombre de travailleurs ont en effet quitté l’industrie, volontairement ou non, pour se joindre à d’autres secteurs. « C’est sûr qu’on va en perdre et qu’on ne pourra pas aller tous les rechercher, souligne Marjolaine de Sa. Ceux qui sont passionnés par le service à la clientèle, par ce contact privilégié avec le public, ils reviendront. Mais il faudra rivaliser avec les autres professions et repenser les salaires et les conditions : horaires, conciliation travail/famille, etc. »
Ancienne professeure d’anglais, passée notamment par l’École hôtelière de la Capitale, la colorée responsable sait également qu’il faudra regarnir les rangs des établissements scolaires spécialisés en restauration, en cuisine et en hôtellerie, tristement délaissés au fil des dernières années. Si elle s’explique en partie par des motifs démographiques, la baisse du nombre d’inscriptions observée depuis 2012 dans les écoles hôtelières et les centres de formation du Québec est également liée à l’image de ces métiers, parfois fausse, souvent stéréotypée. « Il faut montrer à la relève ce qu’est vraiment l’hôtellerie. Je suis persuadée qu’il y a des jeunes pour qui le contact humain reste plus important que l’aspect virtuel : ce sont eux qu’il faut séduire ! »
Séduite, Marjolaine de Sa l’est encore. « Pleinement », jure-t-elle. Après deux décennies à travailler dans le milieu et malgré des derniers mois particulièrement rudes, celle qui dirige l’AHRQ depuis mars 2017 l’assure : sa motivation demeure intacte. « Je suis bien trop passionnée pour abandonner un domaine aussi passionnant. »